Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
maliinchallah 10
13 décembre 2016

Une histoire hallucinante (pour nous, occidentaux)

Hier, nous étions chez des amis à Bamako, dans le grand salon d'une riche demeure. Notre ami, que j'appellerai Cheick, était assis ou plutôt vautré avec moi sur un canapé ; en face de nous, à cinq mètres, se trouvaient sa femme, et sur le côté, Evelyne et la belle fille de Cheik avec son bébé de un mois . Une autre jeune femme, avec son bébé de trois mois est alors entrée, elle a déposé le bébé dans les bras de mon ami ; c'était sa première fille, Fatou. Elle a alors quitté la pièce, et sans doute la maison pour faire des courses. Après avoir un peu joué avec le bébé, le grand père l'a mis dans mes bras, puis ayant fait de même, je suis allé le confier à sa grand-mère en face de moi.

De retour, allongé à côté de Cheick, il m'a dit, en me parlant très doucement près de mon oreille :

Vous savez, Fatou n'est pas tout à fait notre fille. Notre premier enfant était un garçon. Sa naissance a été très difficile et ma femme a dû subir une césarienne. De retour à la maison après la naissance, elle se reposait, le bébé à côté d'elle dans son berceau. Je suis rentré dans la chambre avec mon frère pour lui présenter mon fils, mais en le sortant de son berceau j'ai constaté avec horreur qu'il était mort. Mon sang n'a alors fait qu'un tour, je me suis précipité dans ma voiture, conduisant à tombeau ouvert vers la maison de mon frère. Ma belle sœur venait elle aussi d'accoucher d'une belle petite fille qui avait trois mois. Je lui ai dit : ma sœur, donne moi ton enfant, et elle me l'a donné. Je suis rentré chez moi aussi vite que j'étais parti, et je l'ai mise dans le berceau à la place de notre fils. Quelque temps après, le bébé a pleuré et ma femme s'est réveillée. J'ai pris Fatou et l'ai mise dans les bras de mon épouse en lui disant : prends, voici ton enfant.

Nous avons attendu que Fatou ait huit ans pour lui faire connaitre ses parents génétiques, mon frère et ma belle sœur et lui dire la vérité sur sa naissance.

 

Ne réagissez pas trop vite.
De retour, dans la voiture, j'ai raconté l'histoire de Fatou à Evelyne. Sa première réaction a été de dire « et la maman génétique ! »puis elle a convenu que ce devait bien être la dixième histoire de cette veine que nous entendions, qu'il ne fallait ni juger ni condamner, mais accepter que la société malienne aient d'autres coutumes, d'autres relations sociales que les nôtres. Et il faut d'abord reconnaître que les relations sociales dans ce pays sont beaucoup plus riches, fortes et intenses que chez nous. (Le traitement réservé aux vieux parents en est une preuve). Nous ne pouvons pas justifier rationnellement le bien fondé de cette démarche. Mais juste partager quelques éléments. L'oncle a traditionnellement plus d'autorité sur ses neveux que le père, sans doute car il est censé pouvoir juger des choses avec plus de recul et d'impartialité que le père, englué dans ses petits conflits quotidien avec ses enfants. Nous connaissons aussi des parents qui ont donné un de leurs enfants à un autre couple « stérile » de leur famille proche. Ce n'est pas un rejet. Ils savent que leur enfant sera aimé et qu'il ne manquera de rien. Et, à l'époque du moins, il n'y avait pas d'enfants abandonnés en vue d'une adoption.

Nous trouvons que c'est une belle histoire d'amour, même si nous ne pouvons pas vraiment l'approuver ni la comprendre.

Publicité
Commentaires
C
Hello mon frère et ma belle-soeur, elle est très belle cette histoire, surprenante car ceci ne se produirait pas chez nous, en même temps elle témoigne de beaucoup d'amour dans un contexte où les enfants sont précieux et ne manquent pas.<br /> <br /> De retour après une semaine d'absence, je vous embrasse fort, Chantal
M
Je la trouve très belle et tout à fait compréhensible. Grâce à ce don tout le monde a été heureux et les vrais parents de la fille sont contents doublement: ils ont atténué la douleur du deuil de ces membres de la famille et ils savent que leur fille sera heureuse avec ces parents qui ont connu la souffrance. C'est très généreux. Ici les gens n'ont pas beaucoup d'enfants, mais lorsque on a tous les enfants qu'on peut physiologiquement avoir, ce n'est pas pareil.
Newsletter
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité